Ali Bongo en exil à Luanda : un destin africain entre grandeur, chute et réclusion
- Prince-Eric Ngaibino
- il y a 2 jours
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C’est un chapitre qui se referme dans l’histoire politique du Gabon. L’ancien président Ali Bongo Ondimba, renversé en août 2023 par un coup d’État militaire après plus de 14 années à la tête du pays, a officiellement quitté le Gabon pour Luanda, en Angola, où il vivra désormais en exil. Cette décision, fruit de plusieurs mois de médiation menée discrètement mais fermement par le président angolais João Lourenço, marque à la fois la fin d’un statu quo délicat et le début d’un nouvel exil présidentiel sur le continent africain.
Ali Bongo, affaibli par un AVC en 2018 et contesté par une partie croissante de la population gabonaise, avait vu son régime vaciller sur ses fondations, entre accusations de mauvaise gouvernance et fatigue populaire à l’égard d’une dynastie au pouvoir depuis plus d’un demi-siècle. Son départ du pays, bien que volontaire dans la forme, s’inscrit dans une tradition désormais familière de dirigeants africains poussés vers l’exil ou la prison à la suite de la perte du pouvoir.
L’histoire contemporaine de l’Afrique est parsemée de trajectoires similaires. Certains dirigeants, naguère tout-puissants, ont vu leur destin basculer du faste des palais présidentiels aux limbes de l’exil ou aux rigueurs carcérales.
La Centrafrique, pays voisin du Gabon, en est l’un des exemples les plus éloquents. Ange-Félix Patassé, président de 1993 à 2003, fut renversé lors d’un coup d’État dirigé par le général François Bozizé. Contraint à l’exil au Togo, Patassé vécut ses dernières années loin de Bangui, dans un anonymat presque silencieux, jusqu’à son décès en 2011.
Ironie tragique de l’histoire, son successeur Bozizé connaîtra un sort semblable. Lui aussi chassé du pouvoir en 2013 par la rébellion Séléka, il fut tour à tour réfugié au Cameroun, puis en Ouganda, avant d’errer entre pays d’accueil et tentatives de retour politique, souvent avortées. Revenu clandestinement en Centrafrique en 2019, Bozizé fut interdit de se présenter aux élections et demeure aujourd’hui dans une forme de limbo politique, exilé depuis en Guinée Bissau.
Le cas d’Ali Bongo ravive une dynamique diplomatique singulière : celle de l’exil négocié comme outil de stabilisation post-crise. Plutôt que de précipiter les anciens chefs d’État devant les tribunaux – à l’image de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire ou Hissène Habré au Tchad – certains régimes militaires ou gouvernements de transition préfèrent offrir une sortie « honorable » à ceux qu’ils renversent, espérant éviter la polarisation et les représailles.
L’Angola, en accueillant Ali Bongo, s’inscrit ainsi dans cette logique. Luanda devient une terre d’asile politique, comme l’ont été Abidjan, Lomé ou Kampala à d’autres époques. Un choix stratégique pour les nouveaux maîtres du Gabon, soucieux de garantir une transition sans fractures excessives, tout en éloignant un symbole encore lourd du régime déchu.
L’exil d’Ali Bongo, tout comme ceux de Patassé et Bozizé, offre un miroir cruel aux dirigeants encore en place. Il rappelle la précarité du pouvoir politique sur le continent, où la durée d’un mandat est souvent moins dictée par les urnes que par l’équilibre des forces armées ou des alliances régionales.
Au-delà des débats sur la légitimité ou les abus de pouvoir, ces destins soulèvent une interrogation plus profonde : qu’advient-il des anciens présidents africains une fois la lumière éteinte ? Et surtout, dans quelles conditions les peuples souhaitent-ils que s’écrive la dernière page du règne de ceux qui les ont gouvernés ?
La réponse semble osciller entre deux pôles : la rédemption discrète d’un exil doré ou l’exemplarité brutale de la justice. Le cas Bongo, entre diplomatie feutrée et calcul géopolitique, illustre une troisième voie : celle de l’oubli organisé.
Mais l’Histoire, elle, n’oublie jamais.
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