Centrafrique : Dissolution de groupes armés étrangers, et après ?
- Prince-Eric Ngaibino
- 8 juil.
- 3 min de lecture

Le président Faustin Archange Touadéra a salué, ce 8 juillet 2025 sur son compte X, la décision d’Ali Darass (UPC) et du Général Bobo (3R) de dissoudre officiellement leurs mouvements armés le 10 juillet à Bangui. Présentée comme une avancée majeure sur le chemin de la paix, cette décision relance aussi de nombreuses interrogations sur l’équité du processus de paix, notamment envers les fils du pays pris dans la tourmente armée, souvent marginalisés.
Depuis 2013, la République centrafricaine est marquée par des cycles de violences armées impliquant des groupes comme la Séléka, la CPC, les Anti-Balaka, les 3R, l’UPC, et bien d'autres. Environ 80 % du territoire a été, à certains moments, hors du contrôle effectif de l’État, selon l’ONU.
Plus de 14 groupes armés ont signé l’Accord politique pour la paix et la réconciliation (APPR) de février 2019 à Khartoum. Pourtant, les violations de cet accord ont été nombreuses. Plusieurs groupes n’ont respecté ni les engagements de désarmement, ni ceux de réintégration. Ali Darass, chef de l’UPC, et le général Bobo, leader des 3R, tous deux d’origine étrangère (Niger/Nigeria pour l’un, Tchad pour l’autre), ont conservé leurs zones d’influence pendant des années, malgré les sanctions internationales et les mandats d’arrêt.
Aujourd’hui, leur dissolution est saluée avec faste par les autorités centrafricaines, comme une étape "historique". Pourtant, beaucoup de Centrafricains s’interrogent : pourquoi une telle reconnaissance accordée à des chefs de guerre étrangers qui ont semé la mort et l’instabilité ?
Pendant ce temps, les jeunes centrafricains impliqués dans ces rébellions, souvent enrôlés par nécessité, sont abandonnés à leur sort. Certains croupissent dans les prisons, d'autres vivent dans la clandestinité ou en exil, avec aucune garantie de retour sécurisé ni de processus clair de réinsertion.
> "La paix n’a pas de prix, mais c’est un investissement sérieux."
Ce constat résume la frustration d’une partie de la population face à ce processus qui semble récompenser les criminels les plus puissants, tout en ignorant les véritables victimes ou les jeunes délaissés par la République.
Les rangs de ces groupes armés sont composés en grande majorité de jeunes Centrafricains désœuvrés, sans avenir, souvent manipulés ou utilisés comme chair à canon. Dans le même temps, de nombreux mercenaires étrangers, notamment venus du Soudan, du Tchad ou du Nigeria, restent en embuscade, prêts à rejoindre le prochain chef rebelle qui leur promettra butin et pouvoir.
Sans désarmement, rapatriement systématique des combattants étrangers et réinsertion équitable des Centrafricains, cette dissolution risque de ne rester qu’un simple épisode médiatique. Le risque d’une nouvelle flambée de violence est réel. Les précédentes expériences l’ont montré : un seul mécontent peut reconstituer une milice en quelques semaines, dans un pays où l’État est encore faiblement implanté dans certaines régions.
Il est urgent que le gouvernement mette en place un mécanisme sérieux, transparent et centré sur les intérêts des Centrafricains :
Pour les experts, un processus inclusif de dialogue national, intégrant les exilés, les prisonniers politiques, les jeunes repentis, et non uniquement les chefs rebelles étrangers contriburaient à cette paix recherche:
Un programme renforcé de réinsertion et de formation pour les jeunes anciens combattants centrafricains ; un plan de rapatriement clair des mercenaires étrangers, sous supervision internationale ; et surtout, une justice équitable, sans deux poids deux mesures.
La République centrafricaine ne doit plus être une terre d’impunité ni une rente pour chefs de guerre étrangers. La paix ne peut être solide que si elle rétablit la dignité des victimes et offre une place réelle aux enfants du pays dans la construction du futur.
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